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Avant les clartés de l’aurore

Camille PÉPIN

Détails

Famille instrumentale Orchestre
Classifications catalogue Ensembles divers de 11 à 20 musiciens
Nomenclature instrument Ensemble instrumental (2 clarinettes, 2 trompettes, 2 cors, 2 violons, 2 violoncelles et 2 percussions à clavier)
Durée totale 00:09:00
Éditeur Éditions Billaudot
Cotage GB10201 0
Style musical Contemporain
Année copyright 2020

Description

> Commande de Radio France et de l’Opéra National de Bordeaux
 > Création le 18 septembre 2020, à Radio France, Paris (France), par les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, sous la direction de Mikko Franck


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Ainsi la lune sur la rose
 Que la pluie alourdit encore
 Répand sa lueur mystique
 Avant les clartés de l’aurore.


Extrait d’un chant tatar d’Alexandre Pouchkine, ce quatrain apporte à Camille Pépin la clé qu’elle cherchait pour son œuvre : cette source d’inspiration lui permet non seulement de se rapprocher de l’esprit russe (la musique de Stravinsky étant le fil conducteur de la saison de son commanditaire), mais encore de structurer sa partition ; quatre sections de tailles égales répondront bientôt aux quatre vers.


Ainsi germent au printemps 2020 les notes mélancoliques d’Avant les clartés de l’aurore, alors que la compositrice se trouve isolée dans son appartement parisien pendant la pandémie du Covid-19. Dans ces circonstances singulières, on constate sans surprise que la nature, volontiers luxuriante chez Camille Pépin (The Sound of Trees), semble ici manquer. Le paysage sur lequel s’ouvre Avant les clartés de l’aurore paraît bien désolé : c’est au milieu de steppes enneigées que les cuivres entonnent en un choral éclaté les notes fondatrices de l’ouvrage, embrumées par l’action conjointe du vibraphone résonant et des cordes frissonnantes, véritables agents de texture de l’œuvre sous le chant des instruments à vent. Avec ses nombreux tuilages de timbres, le monde sonore n’est que brouillard et fragilité dans l’instabilité qui précède l’aurore : la projection changeante des trompettes, avec ou sans sourdine harmon, évoque les hésitations d’une rose avant l’éclosion, tandis que la spatialisation stéréo des instruments transforme la circulation des motifs en tourbillon mystique.


Effet caractéristique de la musique de Camille Pépin, la brume post-debussyste est renforcée dans les première et troisième parties par des touches polymodales dissonantes et l’utilisation du « morphing », la résonance des notes changeant insensiblement de texture au gré des instruments et modes de jeu sollicités. Ce procédé rappelle le travail de Marc-André Dalbavie et d’autres allusions apparaissent nettement au fil de l’ouvrage : lançant la deuxième section, l’appel éclatant des cuivres reprend la scansion saccadée d’un Stravinsky et invite à une trépidante danse de la pluie. Les motifs mélodiques syncopés qui prolongent la transe s’inscrivent ensuite dans la lignée de Steve Reich. Une citation de Music for 18 Musicians est même venue se glisser dans la partition…


Issues de ces influences diverses, les tensions du discours s’atténuent enfin : les rythmes stravinskyens et reichiens se fondent peu à peu dans la brume initiale, l’harmonie se met à flotter dans les tenues des cordes… Si l’œuvre se refermera dans la froideur nocturne, l’orchestration fantastique de Camille Pépin a laissé entrevoir, au début de la dernière partie, la possibilité d’une aurore.


(Tristan Labouret)