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Pierre Max DUBOIS

Années 50 ! Compositeurs en herbe, essuyant les bancs de la grande maison de la rue de Madrid, nous étions à l'affût des audaces de Donaueschingen et croisions verbalement le fer entre descendants du soleil debussyste et preux chevaliers d'un soleil, plus ascétique celui-là, qui éclairait les eaux du jeune Boulez (Le soleil des eaux) - 1951. Les sons nouveaux de la musique concrète nous sollicitaient aussi. En un mot, nous étions tous véhémentement certains de reconstruire le monde et d'ajouter à l'histoire de la musique un chapitre déterminant. Cependant, chez Milhaud, chez Rivier, bravant avec une apparente insouciance ces houles novatrices, un jeune homme racé, élégant, tout droit venu de son Languedoc natal via le conservatoire de Tours (où il avait glané les prix de clarinette, d'harmonie et de piano), se mouvait avec ingéniosité dans les sentiers de l'écriture tonale. Je me souviens de ces heures passées autour du piano sur lequel chacun de nous était prié par le Maître de réduire sa dernière œuvre d'orchestre. Nonchalamment, Pierre Max Dubois prenait place au clavier. La vingtaine encore toute proche, il égrenait devant nous, avec cette aisance pianistique qui laissait, en 1951, pantois le jury du concours de piano, les volutes légères de cette "Suite humoristique" qui ferait bientôt place à l'ébouriffant "Divertissement" valant prix de composition en 1953. Certes, ce Pierre Max Dubois était de la graine de Prix de Rome ! Et, jeunesse tourangelle oblige, dans le sillon des "Contes drolatiques" de Balzac, notre ami eut l'heureux destin de "s'esbaudir" en loge à ce rabelaisien "Rire de Gargantua "imposé pour la finale de ce Premier Grand Prix de Rome, obtenu haut la main en 1953. Dès lors, force était bien de reconnaître à ce parfait musicien, querelles d'esthétique mises à part, la plus complète maîtrise d'écriture dans la veine d'excellence d'un moderne Chabrier.

Le temps des études passé, chacun prit son chemin dans la voie de la musique plurielle qui charriait son lot d'influences, de réflexions, de réalisations. J'appris que Pierre Max Dubois, tout en privilégiant la composition, opus par opus, ne négligeait pas la carrière de pianiste ni même celle de chef d'orchestre. J'appris encore que, de 1967 à 1995, il assumait la classe d'analyse et de culture musicale au C.N.S.M. de Paris. Complète connaissance donc des divers systèmes compositionnels. Mais le compositeur, lui, ne semblait nullement hanté par les problèmes de langage qui marquaient notre époque. Toujours le même piquant, la même spontanéité, la même habileté ; aucune influence des divers courants de la recherche, toujours cette même ironie. Les titres se moquaient de tout, de lui-même peut-être : "Musique pour un western" (espiègle condensé de toutes les recettes des films des années 50), une java pour orchestre, "La grande truanderie", "Quintette burlesque"... Un jour, je découvris son disque de "Musique ésotérique". "Quoi, pensais-je, notre damoiseau cacherait-il sous ses alertes pirouettes quelques profondes méditations ?" La réponse vint au cours d'une conversation : "Je suis de caractère primesautier mais une partie de ma personne, cachée, est certes la plus sérieuse ; pourtant, ce caractère m'incite à écrire une musique plus gaie. J'adore l'humour et je n'ai pas la prétention de faire tourner le monde à l'envers."

En 1993, au cours d’un entretien radiodiffusé réalisé à Radio France, je retrouvai Pierre Max Dubois. Au fringant jeune homme, la maturité faisait place. Les traits alourdis, le visage buriné, la démarche appesantie démontraient que la maladie avait fait son œuvre. Pourtant, cet héritier inavoué de Satie ou du décapant Poulenc de la première période n’avait rien perdu de cette finesse du langage où chaque mot, comme les notes, était pesé. A l’audition des Dentellières de Bruges, il me définit la pièce comme “une musique qui coule”, tandis que dans La comète (extrait de Musique dans l’espace), les trompettes “tricotent”, se plût-il à souligner, avec les fils complexes de sourdines rarement employées. Conversation sans prétention aucune autour d’un micro, le compositeur admettant qu’au cours des années de sa carrière, son évolution ne fut pas très grande : “La musique, pour moi, est une chose distrayante et naturelle, j’écris aujourd’hui comme j’écrivais hier. En un mot, je suis “la bonne pondeuse” car, en tous genres, je crois avoir écrit autant que Milhaud, mon maître adoré”.

Impressionnante production, en effet, qui ne néglige aucune forme, allant des piécettes destinées à la formation des jeunes instrumentistes jusqu’à ce Quartettuccio, quatuor miniature pour cordes inscrit au répertoire du quatuor Enesco. De l’orgue à la harpe en passant par l’accordéon de concert, la guitare, la clarinette basse, aucun instrument n’est le parent pauvre de cette écriture musicale qui fait aussi la part belle au saxophone, instrument encore utilisé avec prudence par les compositeurs. Pierre Max Dubois, lui, le fait valser, respirer ; il l’unit à ses cousins de tessitures différentes ou encore le traite en soliste face à un orchestre symphonique (Deuxième concerto pour saxophone). Mais, en ce jour de 1993, alors que notre entretien radiophonique s’achevait, je demandai à Pierre Max Dubois quel pourrait être le mot de la fin ; après un court silence, je m’entendis répondre : “Je suis heureux avec ma musique et je ne regrette rien”.

Son sourire se figeait, deux ans plus tard, laissant une place à part dans le monde de la musique, un vide difficile à combler en nos temps troublés, celui d’une cocasserie d’un homme, en majorité de l’œuvre, dans l’esprit de la pirouette bien française qui s’étend de Couperin à l’impertinence du Coq et l’Arlequin de Cocteau.

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Les œuvres composées par Pierre Max DUBOIS

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Discographie

10 préludes
pour piano
Pno : Kenneth van Barthold
Enregistrement CD DARMO DARCD902.


Histoire de piano
pour piano
Pno : Kenneth van Barthold
Enregistrement CD DARMO DARCD902.


Sonate
pour piano
Pno : Kenneth van Barthold
Enregistrement CD DARMO DARCD902.


Deuxième concerto
pour saxophone et orchestre
Sax : Daniel Gremelle
Slovak State Philharmonic Orchestra
Enregistrement Marco Polo 8.225127.